Bien que non focalisé sur les MPF, l'article permet de recadrer
historiquement leur origine et s'ouvre vers la fin sur le concept d'univers
holographique.
Par ailleurs, pour ceux qui sont familiers avec tout cela mais qui
ne connaissaient pas cet article, l'humour de van Eersel peut rendre agréable
un petit rafraîchissement de la mémoire.
Ce qui suit a été écrit par Stran Grof et se concentre
sur les MPF. Ces textes ont été extraits du livre «Le
Jeu Cosmique» qui peut être consulté en ligne sur Scribd
(édition de 1998).
Notre vision conventionnelle de la relation entre naissance, sexe
et mort subit de profonds changements lorsque notre processus d'auto-exploration
s'étend au-delà des souvenirs de l'enfance et de la petite
enfance pour atteindre le domaine périnatal de la psyché.
Nous commençons alors à ressentir des émotions et
sensations physiques d'une extrême intensité, surpassant souvent
tout ce que nous aurions pu imaginer.
A ce point, les expériences deviennent de curieux mélanges sur les thèmes de la naissance et de la mort. Elles associent un sentiment violent d'emprisonnement et de menace pour la vie à une lutte désespérée et déterminée pour nous libérer et survivre. Cette relation intime entre naissance et mort au niveau périnatal renvoie au fait que la naissance est un événement potentiellement menaçant. La mère et l'enfant peuvent en effet perdre la vie pendant l'accouchement, et les enfants peuvent naître bleus d'asphyxie, voire en un état de mort apparente nécessitant une réanimation.
La reviviscence des différents aspects de la naissance biologique peut être tout à fait authentique et convaincante. Le processus se trouve souvent rejoué d'une manière quasi cinématographique au niveau du détail. Cette expérience peut même survenir chez des personnes n'ayant aucune information sur leur naissance et ne possédant pas les moindres notions d'obstétrique.
Nous pouvons, par exemple, découvrir à travers une expérience
directe, que nous avons vécu une naissance par le siège,
que les forceps furent utilisés, ou que nous
sommes nés avec le cordon ombilical enroulé autour du
cou. Nous pouvons ressentir l'anxiété, la fureur de vivre,
la souffrance physique et l'étouffement qui accompagnent cet événement
terrifiant, et même reconnaître avec la plus grande exactitude
le type d'anesthésique utilisé lors de notre naissance.
Tout cela se trouve souvent accompagné de postures et de mouvements
variés de la tête et du corps recréant avec précision
les mécanismes d'un type particulier d'accouchement. Tous ces détails
peuvent être confirmés si un bon compte rendu de naissance
ou des témoignages fiables sont accessibles.
La représentation très forte de la naissance et de la mort dans notre psyché et les rapports étroits qui existent entre ces deux domaines peuvent surprendre les psychologues et psychiatres traditionnels, malgré leur caractère logique et aisément compréhensible. L'accouchement met fin brutalement à l'existence intra-utérine du foetus. Il ou elle «meurt» en tant qu'organisme aquatique et naît en tant que forme de vie physiologiquement et anatomiquement différente et respirant à l'air libre. Par ailleurs, le passage par le canal de naissance est en lui-même une situation difficile mettant la vie en danger.
Il n'est pas aussi aisé de comprendre pourquoi la dynamique périnatale comporte si souvent une composante sexuelle. Et pourtant, lors que nous revivons les dernières étapes de la naissance dans le rôle du foetus, cela s'accompagne généralement d'une impulsion sexuelle extraordinairement forte. Et cela est également vrai pour les femmes qui accouchent et peuvent ressentir un mélange de peur de mourir et d'excitation sexuelle intense. Cette association paraît étrange et peut laisser perplexe, particulièrement en ce qui concerne le foetus, et mérite donc quelques mots d'explication.
Il semble exister dans l'organisme humain une sorte de mécanisme
qui puisse transformer une souffrance extrême en une forme spéciale
de stimulus sexuel, en particulier si elle est associée à
l'étouffement. Ce phénomène peut être observé
dans des circonstances variées indépendantes de la naissance.
Les personnes ayant tenté de se pendre et qui furent secourues
au dernier moment décrivent généralement qu'au plus
fort de l'asphyxie, ils éprouvèrent une impulsion sexuelle
presque insupportable. Il est connu que les hommes exécutés
par pendaison ont généralement une érection et parfois
éjaculent. On lit dans la littérature traitant de torture
et de lavage de cerveau, que la souffrance physique extrême déclenche
souvent des états d'extase sexuelle. A un degré moindre,
ce mécanisme se produit dans diverses pratiques sadomasochistes
associant la strangulation et la suffocation. Dans les sectes où
l'on pratique régulièrement l'autoflagellation, et chez les
martyrs religieux qui furent soumis à des tortures inimaginables,
la douleur physique extrême se transforme à un certain point
en impulsion sexuelle et peut éventuellement conduire à l'extase
et à des expériences transcendantes.
Jusqu'ici, nous nous sommes principalement focalisés sur les aspects physiques et émotionnels des expériences de naissance. Cependant, le spectre d'expériences du domaine périnatal de l'inconscient n'est pas limité aux événements qui sont liés à l'accouchement. Il comprend aussi une imagerie symbolique très riche provenant des domaines transpersonnels.
Le domaine périnatal est une interface importante entre les niveaux biographiques et transpersonnels de la psyché. Il représente un passage vers les aspects historiques et archétypaux de l'inconscient collectif au sens jungien.
Puisque le symbolisme particulier de ces expériences prend son origine dans l'inconscient collectif et non dans les banques de mémoires individuelles, il peut provenir de n'importe quel contexte historique ou géographique, de n'importe quelle tradition spirituelle, tout à fait indépendamment de nos antécédents raciaux, culturels, éducatifs ou religieux. L'identification avec un nouveau-né faisant face à l'épreuve du passage dans le canal de naissance, semble permettre d'accéder aux expériences de peuples d'autres temps et d'autres cultures, à celles d'animaux variés, voire de personnages mythologiques. Tout se passe comme si, en revivant l'expérience du foetus luttant pour naître, nous nous connections d'une manière intime, quasiment mystique, avec la conscience de l'espèce humaine et avec d'autres créatures sensibles étant, ou ayant été, confrontés à une situation identique. Les expériences de confrontations avec la naissance et la mort semblent automatiquement entraîner une ouverture spirituelle , et la découverte des dimensions mystiques de la psyché et de l'existence.
Comme je l'ai déjà précisé, il semble peu important que ces rencontres avec la naissance et la mort soient symboliques ou surviennent dans des situations de la vie courante, tels un accouchement ou une expérience de mort imminente. Des séquences périnatales puissantes au cours de séances psychédéliques et holotropiques [~ qui va vers le Tout], ou lors de crises psychospirituelles spontanées («émergence spirituelle») semblent avoir le même impact.
La naissance biologique se passe en trois phases distinctes. Au cours
de la première, le foetus se trouve comprimé à intervalles
réguliers par des contractions utérines sans la moindre chance
d'échapper à cette situation puisque le col est fermé.
Les contractions répétées provoquent la dilatation
et l'effacement du col jusqu'à permettre le passage par le canal
de naissance. La dilatation complète du col marque le passage entre
la première et la deuxième étape du travail, caractérisée
par la descente de la tête dans l'excavation pelvienne et sa progression
lente et difficile dans le défilé. Et finalement, au cours
de la troisième étape, le nouveau-né est expulsé
et, après coupure du cordon ombilical, il ou elle devient un organisme
anatomiquement indépendant.
A chacune de ces étapes, le bébé expérimente
un ensemble spécifique et typique d'émotions intenses et
de sensations physiques. Ces expériences laissent des empreintes
profondes dans l'inconscient de la psyché, pouvant jouer plus tard
un rôle important dans la vie de l'individu.
Renforcées par les expériences émotionnelles de
la petite enfance et de l'enfance, les souvenirs de naissance peuvent modeler
la vision du monde, influencer profondément le comportement quotidien,
et contribuer au développement de désordres émotionnels
et psychosomatiques variés.
Dans les états holotropiques, ce matériau inconscient
peut faire surface et être pleinement revécu. Lorsque le processus
d'auto-exploration nous ramène jusqu'à la naissance, nous
découvrons que chacune des étapes de l'accouchement que nous
revivons est associée à un schéma d'expérience
particulier, caractérisé par une combinaison d'émotions,
de sensations physiques et d'images symboliques. J'ai donné le nom
de «matrices périnatales fondamentales» (MPF) à
ces schémas particuliers.
La première matrice périnatale (MPF 1) est liée
à l'expérience intra-utérine précédant
immédiatement la naissance, et les trois autres matrices aux trois
phases de l'accouchement décrites précédemment. Les
matrices périnatales fondamentales comprennent non seulement les
éléments liés à la reviviscence d'une phase
particulière de la naissance biologique, mais également diverses
scènes naturelles, historiques et mythologiques provenant des domaines
transpersonnels. Dans ce qui suit, je soulignerai brièvement les
liens spécifiques existant entre les dynamiques périnatales
et le domaine transpersonnel.
Je voudrais insister sur le fait que ces liens sont très spécifiques
et cohérents, mais incompréhensibles selon la logique conventionnelle.
Néanmoins, cela ne signifie pas que ces associations soient arbitraires
et aléatoires. Elles ont leur propre ordonnancement, pouvant être
décrit comme «logique empiriquex». Cela signifie que
les liens entre les expériences caractéristiques des différentes
phases de la naissance et les thèmes symboliques qui les accompagnent
ne sont pas fondés sur une quelconque similitude de forme, mais
sur le fait qu'ils concernent les mêmes émotions et les mêmes
sensations physiques.
Tandis que nous expérimentons les épisodes d'une existence intra-utérine paisible (MPF 1), nous rencontrons souvent des images de vastes régions dépourvues de frontières ou de limites. Quelquefois, nous nous identifions avec des galaxies, l'espace interstellaire ou le cosmos tout entier. D'autres fois, nous pouvons flotter dans l'océan ou prendre la forme d'animaux aquatiques divers tels que poissons, dauphins ou baleines. Le vécu d'une existence intra-utérine paisible peut également s'ouvrir vers des visions de la nature sous son meilleur aspect, belle, sécurisante et nourricière comme une bonne matrice (Mère Nature). Nous pouvons voir des vergers luxuriants, des champs de maïs à maturité, des terrasses cultivées dans les Andes ou des îles vierges en Polynésie. L'expérience de la bonne mère peut aussi donner un accès sélectif aux domaines archétypaux de l'inconscient collectif et ouvrir à des images de paradis tels qu'ils sont décrits dans diverses cultures.
Lorsque nous revivons des épisodes d'une existence intra-utérine
perturbée ou des expériences de «mauvaise matrice»,
nous avons une sensation de danger menaçant et nous avons souvent
l'impression d'être empoisonnés . Nous pouvons avoir des images
représentant des eaux polluées et des décharges toxiques.
Cela est lié au fait que la plupart des désordres antérieurs
à la naissance sont causés par des changements toxiques dans
l'organisme de la mère. Cette expérience peut être
associée à des visions archétypales de l'inconscient
collectif telles que d'effrayants personnages démoniaques. La reviviscence
de violences pendant la vie intra-utérine, telles qu'une fausse-couche
imminente ou une tentative d'interruption de grossesse, est souvent associée
à une sensation de danger universel ou à des visions sanglantes
et apocalyptiques de fin du monde.
Lorsque la régression expérimentale s'approche
de la naissance biologique, nous pouvons avoir la sensation d'être
littéralement aspirés dans un tourbillon gigantesque ou avalés
par quelque bête mythique. Il se peut encore que nous ressentions
que le monde entier ou même le cosmos est englouti.
Ces sensations peuvent être associées à des images
de monstres affamés et grouillants tels que léviathans, dragons,
serpents géants, tarentules ou pieuvres. Cette sensation écrasante
de menace vitale peut entraîner une anxiété très
intense et une méfiance généralisée frisant
la paranoïa.
Nous pouvons également faire l'expérience d'une descente
dans les profondeurs du monde souterrain, dans le royaume de la mort ou
en enfer. Comme le décrit le mythologue Joseph Campbell, cela constitue
un schéma universel dans les mythes racontant le voyage du héros
(Campbell, 1968).
La reviviscence complète de la première phase de naissance
biologique, lorsque l'utérus se contracte alors que le col est encore
fermé (MPF II), est l'une des pires expériences que l'être
humain puisse faire. Nous nous sentons pris dans un monstrueux cauchemar
claustrophobe, souffrons de douleurs physiques et morales atroces, et avons
un sentiment d'impuissance absolue et de désespoir. Nos sentiments
de solitude, de culpabilité , d'absurdité de la vie et de
désespoir existentiel peuvent atteindre des proportions métaphysiques.
Nous perdons la notion du temps et sommes convaincus que cette situation
ne finira jamais et qu'il n'y a aucune issue possible. Dans notre esprit,
il ne fait aucun doute que cette expérience s'apparente à
ce que les religions nomment l'enfer - supplice physique et moral insupportable
n'offrant aucun espoir de rédemption. Ce sentiment peut en fait
s'accompagner d'images de démons et de paysages infernaux provenant
de cultures diverses.
Lorsque nous sommes en face d'une telle situation, nous pouvons avoir des visions archétypales de l'inconscient collectif qui mettent en scène des personnages, des animaux et même des créatures mythologiques se trouvant dans une situation aussi difficile, aussi douloureuse et sans espoir. Nous pouvons nous identifier à des prisonniers dans des donjons, à des internés dans des camps de concentration ou des asiles psychiatriques, ou à des animaux pris au piège. Nous pouvons ressentir les intolérables tortures infligées aux pécheurs en enfer, ou celles de Sisyphe roulant son rocher dans la fosse la plus profonde de l'Hadès. Notre souffrance peut se transformer en l'agonie du Christ demandant à Dieu : «Pourquoi m'as-tu abandonné ?»
Il semble que nous soyons promis à la damnation éternelle.
Cet état de désespoir incommensurable fut nommé «Nuit
obscure de l'âme» dans la littérature spirituelle. D'un
point de vue plus large et en dépit des sentiments de profond désespoir
qu'il entraîne, cet état est une étape importante dans
la quête spirituelle. Expérimenté jusqu'au plus profond,
il peut avoir un effet libérateur et purificateur immense.
L'expérience de la deuxième phase de l'accouchement,
c'est-à-dire la progression par le canal de naissance après
que le col utérin s'est ouvert, est un épisode particulièrement
riche et dynamique. Faisant face à des énergies conflictuelles
et à des pressions importantes, nous pouvons être envahis
d'images de l'inconscient collectif représentant des séquences
de batailles titanesques, des scènes violentes et sanglantes ou
des scènes de torture. C'est au cours de cette phase que nous sommes
confrontés à des pulsions sexuelles, à des énergies
de nature problématique d'une rare intensité.
Comme je l'ai noté précédemment, les pulsions sexuelles tiennent une place importante dans le processus de naissance. Notre première rencontre avec la sexualité a donc lieu dans un contexte précaire, dans des circonstances où notre vie est en danger, où nous souffrons et faisons souffrir, et où il nous est impossible de respirer. En même temps, nous faisons l'expérience d'un mélange d'anxiété vitale et de fureur primitive, cette dernière étant une réaction bien compréhensible du foetus face aux expériences douloureuses qui mettent sa vie en danger. Dans les phases finales de la naissance, nous pouvons également entrer en contact avec divers matériaux biologiques - sang, mucosités, urine et excréments.
A cause de ces liens problématiques, les expériences et les images en rapport avec ce stade de la naissance présentent la sexualité sous une forme très déformée. Le mélange étrange d'impulsion sexuelle et de douleur physique, d'agression, d'anxiété vitale et de matériaux biologiques peut conduire à des scènes aberrantes, pornographiques, sadomasochistes, scatologiques ou même sataniques. Nous pouvons être submergés de scènes spectaculaires d'abus sexuels, de perversions, de viols et de meurtres pour des motifs sexuels.
Parfois, ces expériences peuvent prendre la forme d'une participation à des rituels sataniques ou de sorcellerie. Cela semble être lié au fait que la reviviscence de cette phase de la naissance implique la même combinaison étrange d'émotions, de sensations et d'éléments que celle qui caractérise les scènes archétypales de messes noires ou de sabbat des sorcières (la Nuit de Walpurgis). Il s'agit d'un mélange d'excitation sexuelle, de peur panique, d'agression, de menace vitale, de souffrance, de sacrifice et de confrontation avec des matières biologiques habituellement repoussantes. Cet amalgame particulier est associé à un sens du sacré ou du numineux qui traduit l'imminence d'une ouverture spirituelle.
Cette phase du processus de naissance peut aussi être associée à d'innombrables images provenant de l'inconscient collectif et mettant en scène des agressions meurtrières telles des batailles ou des révolutions sanglantes, des massacres ou des génocides. Dans toutes ces scènes de sexualité et de violence, nous pouvons jouer tour à tour les deux rôles, celui du bourreau et celui de la victime. C'est le moment d'une rencontre majeure avec la partie la plus sombre de notre personnalité, l'ombre selon Jung, dont nous avons parlé dans le chapitre sur le bien et le mal.
Au point culminant de cette phase périnatale, nombreux sont ceux
qui ont une vision de Jésus Christ, du chemin de croix, de la crucifixion
ou même qui s'identifient totalement à la souffrance de Jésus.
Les visions archétypales de l'inconscient collectif correspondant
à cette phase sont les héros Mythologiques, les divinités
représentant la mort et la renaissance, tels le dieu égyptien
Osiris, les divinités grecques Dionysos et Perséphone ou
la déesse sumérienne Inanna.
Le revécu du troisième stade du processus d'accouchement,
c'est-à-dire de l'entrée dans le monde, est lié typiquement
au thème du feu. Nous pouvons avoir la sensation que notre corps
se consume au contact d'une chaleur brûlante, avoir des visions de
villes ou de forêts incendiées ou encore nous identifier à
des victimes de l'immolation.
Les visions archétypes de ce feu peuvent prendre la forme des flammes purifiantes du purgatoire ou de l'oiseau légendaire Phénix mourant dans son nid en flammes pour renaître de ses cendres. Le feu purificateur semble détruire ce qui est corrompu en nous et préparer notre renaissance spirituelle. Lorsque nous revivons le moment véritable de la naissance, nous faisons l'expérience d'un anéantissement total suivi de renaissance, de résurrection.
Pour comprendre pourquoi la reviviscence de la naissance biologique
se manifeste sous forme de mort/renaissance, il faut être conscient
du fait que ce processus est beaucoup plus qu'une simple répétition
de l'événement originel. Pendant l'accouchement, nous sommes
complètement emprisonnés dans le canal de naissance et, n'avons
aucun moyen d'exprimer les émotions et sensations intenses que nous
ressentons. Le souvenir de cet événement n'est donc pas assimilé
ou intégré sur le plan psychologique. Une grande partie de
l'image que nous avons de nous-mêmes, ainsi que notre attitude à
l'égard du monde sont lourdement influencées par ce rappel
constant de vulnérabilité, d'inadaptation et de faiblesse
que nous éprouvons à la naissance.
En un sens, nous sommes nés sur le plan physique mais n'avons
pas intégré au niveau émotionnel le fait qu'il n'y
a plus d'urgence ni de danger. La mort et l'agonie vécues dans le
processus de renaissance reflètent toute la réalité
du danger et de la douleur ressentis lors de la naissance biologique. En
même temps, la mort de l'ego précédant immédiatement
la renaissance n'est autre que la mort de nos anciennes conceptions de
nous-mêmes et du monde, qui furent forgées par l'empreinte
traumatique de la naissance.
Au fur et à mesure que nous purgeons notre psyché et notre corps de ces anciens schémas en les laissant émerger à la conscience, nous réduisons leur charge énergétique et diminuons leur influence destructrice sur notre vie. D'un point de vue plus large, ce processus est réellement très curatif et transformateur.
Et pourtant, lorsque nous approchons de sa résolution, nous pouvons
avoir le sentiment paradoxal qu'à mesure que les anciens schémas
disparaissent, nous mourons avec eux. Parfois, nous n'avons pas seulement
le sentiment de notre propre anéantissement mais également
celui de la destruction du monde. Alors que nous sommes à deux pas
d'une libération radicale, nous pouvons être submergés
d'anxiété et avoir le sentiment d'une catastrophe imminente.
Cette impression d'un destin funeste peut être très convaincante
et nous envahir. Le sentiment prédominant est celui de la perte
de tout ce que nous savons et tout ce que nous sommes.
Et en même temps, nous n'avons aucune idée de ce qui est
de l'autre côté, ni même s'il y a quelque chose. A ce
stade, cette peur est la raison pour laquelle nombreux sont ceux qui essaient
avec acharnement de résister au processus. A cause de cela, ils
peuvent rester psychologiquement coincés dans cette problématique
pour une durée indéterminée.
L'expérience de la mort de l'ego est l'étape du voyage spirituel au cours de laquelle nous avons le plus besoin d'encouragement et de soutien psychologique. Lorsque nous réussissons à dépasser la peur métaphysique liée à cette étape importante et que nous décidons de laisser les choses se faire, nous éprouvons un anéantissement total à tous les niveaux.
Cela peut impliquer la destruction sur le plan physique, un désastre émotionnel, la défaite intellectuelle et philosophique, l'échec ultime sur le plan moral et même la damnation spirituelle. Durant cette expérience, tous nos points de repère, tout ce qui est important et qui donne du sens à notre vie semble détruit inexorablement.
Immédiatement après l'expérience d'anéantissement total - après avoir «touché le fond» à l'échelle cosmique - nous sommes submergés d'une lumière ayant une radiance et une beauté surnaturelles, perçue comme sacrée. Cette épiphanie divine peut s'accompagner d'arcs-en-ciel magnifiques, d'apparitions diaphanes évoquant les plumes de paon, et de visions de royaumes célestes avec des créatures angéliques ou des divinités apparaissant dans la lumière.
C'est aussi le moment où nous pouvons faire la rencontre de l'archétype
de la Grande Déesse Mère ou de l'une de ses nombreuses représentations
culturelles. L'expérience de mort/renaissance psychospirituelle
représente une étape majeure de reconnexion avec le domaine
transcendantal, au détriment de notre identification à «l'ego
confiné dans sa propre peau». Nous nous sentons pardonnés,
libérés et bénis, et avons une nouvelle conscience
de notre nature divine et de notre stature cosmique. Habituellement, nous
faisons également l'expérience d'une énorme vague
d'émotion positive vis-à-vis de nous-mêmes, des autres,
de la nature, de Dieu et de l'existence en général. Nous
sommes remplis d'optimisme et avons un sentiment de bien-être physique
et affectif.
Il est important d'insister sur le fait que cette expérience
curative et transformatrice intervient lorsque la naissance biologique
a eu lieu naturellement et dans d'assez bonnes conditions. Si l'accouchement
fut difficile, ou pratiqué sous anesthésie, l'expérience
de renaissance n'a pas la qualité d'une entrée triomphale
dans la lumière, mais ressemble plutôt à un réveil
avec une «gueule de bois» - étourdissements, nausées
et esprit brumeux. Un gros travail psychologique supplémentaire
peut être nécessaire dans ces conditions, et les résultats
positifs sont nettement moins frappants.
Nous avons vu dans ce qui précède l'importance
capitale du processus périnatal. Il n'est pas seulement le point
de rencontre entre trois aspects cruciaux de l'existence humaine - naissance,
sexualité et mort - mais aussi la frontière entre vie et
mort, individu et espèce, esprit et psyché.
L'exploration complète de ce domaine de la psyché, suivie d'une bonne intégration, peut avoir des conséquences d'une portée considérable et conduire à une ouverture spirituelle et à une transformation profonde de la personnalité. Habituellement, les personnes s'engagent dans un processus intensif d'exploration de soi pour des raisons très personnelles - soit dans un but thérapeutique, soit pour leur propre développement émotionnel et spirituel. Cependant, certains aspects des expériences périnatales suggèrent fortement que cet événement, par son sens même transcende largement les intérêts étroits de l'individu. L'intensité des émotions, les sensations physiques ressenties, la fréquente identification à une foule de personnages à travers l'histoire donnent à ces expériences une qualité résolument transpersonnelle.
L'extrait qui suit est tiré du compte rendu d'une séance
particulièrement puissante vécue en état de conscience
holotropique dépeignant la nature des expériences périnatales,
leur intensité, et montrant à quel point elles engagent l'inconscient
collectif de l'humanité entière (Bache, 1997).
J'étais étonné et pris au dépourvu par le caractère terriblement douloureux de cette session. Ce n'était pas quelque chose de personnel et n'avait que peu de rapport avec ma naissance biologique. Il était clair que ma douleur était liée en premier à la naissance de l'espèce et secondairement à ma propre naissance. Les limites de mon expérience s'étirèrent au point d'englober la race humaine entière avec toute son histoire, et «Je» fus pris dans une horreur que je suis incapable de décrire avec précision. C'était de la folie furieuse, un déferlement de chaos, de douleur et de destruction. C'était comme si la race humaine tout entière, venue des quatre coins de la planète, était devenue complètement folle et délirante. Les gens s'attaquaient entre eux avec une sauvagerie féroce aggravée par une technologie de science-fiction. Il y avait de nombreux courants qui se croisaient et s'entrecroisaient devant moi. Chacun était composé de milliers de personnes: il y avait ceux qui tuaient de multiples façons, ceux qui étaient tués, ceux qui fuyaient dans la panique, d'autres qui étaient encerclés, d'autres qui observaient en hurlant de terreur, d'autres en core qui regardaient, le coeur brisé par toute cette folie. Et «j'» étais toutes leurs expériences. La profusion des morts et l'ampleur de la folie est impossible à décrire. Le problème est de trouver un cadre de référence. Or je ne dispose que d'approximations simplistes ne pouvant donner qu'une vague idée de ce que c'était. Cette forme de souffrance englobait toute l'histoire de l'humanité. Elle était à la fois spécifique à l'espèce et archétypale. Elle comprenait les mondes de science-fiction les plus sauvages, dont l'horreur dépasse notre imagination. Elle impliquait non seulement des êtres humains, mais des milliards et des milliards de fragments de matière provenant d'explosions galactiques. L'horreur sans nom. C'était un bouleversement de la race humaine, une convulsion universelle. Au milieu de tout cela, il y avait des scènes tragiques de souffrance causées par l'indifférence de la nature et des humains. Des milliers d'enfants du monde entier mourant de faim, le corps boursouflé, le regard perdu sur une humanité les ayant laissé mourir par ses négligences humaines et ses abus écologiques. Beaucoup de violence entre hommes et femmes - viols, coups, intimidations, représailles - des cycles et des cycles de destruction.
La nature extraordinaire des expériences périnatales soulève des questions importantes et vraiment intéressantes. Pourquoi le processus d'exploration de soi comprend-il un stade de transcendance de nos limites individuelles, de connexion avec l'inconscient collectif et l'histoire de l'espèce ? Pourquoi cela se trouve-t-il si intimement lié à la mort et à la reviviscence de la naissance ? Pourquoi et comment ce processus est-il associé si étroitement à la sexualité ? Quel rôle joue la fréquente survenue d'éléments archétypaux au sein de ces expériences ? Et enfin quel rôle et quel sens ce processus a-t-il, quels sont ses liens avec la spiritualité et l'évolution de la conscience ?
A ce stade de l'analyse, je voudrais faire référence aux intéressants travaux de Christopher Bache (1966) qui tente de clarifier la question de la souffrance collective au niveau périnatal et le rôle de l'individu dans l'éveil spirituel de l'espèce. Bache fait remarquer que la clé du problème consiste à comprendre que le rôle du processus périnatal serait de nous libérer des limites imposées par une existence «séparée» et dénuée d'éclairage spirituel, et d'éveiller en nous la réalisation de notre vraie nature, de notre identité essentielle avec le principe créateur.
Tout comme le dieu romain Janus, le domaine périnatal a une double nature. Il nous montrera un visage très différent selon que nous nous plaçons du point de vue personnel du «corps-ego», du «moi», ou du point de vue transpersonnel, du «soi».
D'un point de vue personnel, le domaine périnatal apparaît
comme étant le siège de notre inconscient individuel, le
dépositaire de tous les fragments d'expériences non intégrés
ayant sérieusement menacé notre survie et notre intégrité
corporelle. Sous cet angle, le processus périnatal et la violence
qui l'accompagne sont perçus essentiellement comme une menace pour
notre existence.
D'un point de vue transpersonnel, l'identification avec le «corps-ego»
apparaît comme étant le produit d'une ignorance fondamentale,
d'une illusion dangereuse responsable du fait que nous vivions nos vies
d'une manière non satisfaisante, destructrice et autodestructrice.
Lorsque nous comprenons cette vérité fondamentale, nous voyons
les expériences périnatales, en dépit de leur nature
violente et douloureuse, comme des tentatives à la fois radicales
et énergiques, mais bénéfiques, visant à nous
libérer sur le plan spirituel en détruisant la prison de
notre fausse identité. Nous ne sommes pas anéantis, mais
naissons à une réalité supérieure qui nous
raccorde à notre véritable nature.
________________________
A titre d'illustration des MPF on peut consulter les dessins des personnes
les ayant expérimentées.
Il y a aussi une vidéo/musique intéressante qui même
si elle a de nombreux défauts pourrait être interprétée
comme une métaphore du processus de la naissance (parmis d'autres
interprétations possibles).
D'après les commentaires d'une personne expérimentée, les limites sont: